En septembre dernier, j’ai reçu une lettre qui me convoquait à la cours de Montréal pour servir comme candidat-juré. Je ne savais pas du tout comment le processus fonctionnait et quand je suis arrivé au Palais de Justice, j’ai réalisé que la majorité des gens présents étaient également ignorants du processus. J’ai pris des notes durant mes deux journées—que deux, car je n’ai pas été retenu comme juré—que je résume ici et qui, j’espère, vous aideront à mieux comprendre cet aspect de notre système judiciaire.
(Cet article décrit le processus tel qu’il s’est passé à la Cour Supérieure du Québec; il est possible que les choses se déroulent différement ailleur.)
Le déroulement de la journée
La chose la plus importante à savoir si vous êtes convoqué est que votre présence est obligatoire. Si vous ne vous présentez pas, un agent de la cours vous contactera pour connaître la raison de votre absence et vous risquez des représailles. Soyez au rendez-vous!
Voici une liste des étapes de la journées.
- Confirmation de votre présence: à votre arrivée au Palais de Justice, vous (ainsi que des centaines d’autres candidats-jurés) présentez votre lettre ainsi qu’une pièce d’identité pour confirmer votre présence. On vous donne en retour une attestation de présence et un formulaire qui vous permet d’être remboursé pour votre déplacement (6.00$) et votre lunch (14.30$).
- Accueil: le juge entre dans la salle d’audience, explique l’importance du rôle d’un jury dans notre système de justice, et réitère les informations qui se trouvent dans la convocation. Notamment, il explique les motifs d’exemptions. Certains motifs requièrent qu’une personne se récuse: une avocate ou un policier ne sont pas abilité à être jurés, et doivent demander une exemption. D’autres motifs peuvent être utilisés pour demander une exemption: les gens de 65 ans et plus ou les étudiants à temps plein peuvent, s’ils le désirent, demander une exemption, mais ce n’est pas obligatoire. “Je travaille!” n’est pas un motif valable d’exemption; d’ailleurs, il est interdit à votre employeur de vous congédier parce que vous agissez comme juré.
- Présentation de la cause: le juge présente la cause, résume les chefs d’accusation, et lit la liste des avocats et témoins. Si vous connaissez personnellement une de ces personnes, vous devez obligatoirement demander une exemption.
- Exemptions: le juge se retire dans une autre salle ou il recevera et écoutera les candidats qui croient avoir une raison valable pour obtenir une exemption. Le processus est long, car des centaines de gens vont demander une exemption. Pendant ces quelques heures, les autres candidats attendent.
- Sélection du jury: une fois que les demandes d’exemptions ont été traité, une vingtaine de numéros sont pigés au hasard. Si le numéro qui figure sur votre convocation sort, vous passez devant le juge et les avocats qui décident s’ils vous acceptent dans le jury. Contrairement à ce que vous avez pu voir à la télé, on vous demande seulement votre nom et votre emploi; vous ne pouvez pas tenter d’être refusé en proférant des paroles grossières et racistes. Si la cause a été médiatisé, on peut vous demander si vous vous souvenez de ses détails. Si un jury (12 jurés, 2 suppléants) n’est pas complet après le premier groupe, un second groupe de 20 est pigé et passe devant le juge et les avocats, et ainsi de suite. Encore une fois, les candidats qui n’ont pas été pigé doivent attendre.
- Retour le lendemain?: une fois qu’un jury est formé, le juge revient dans la salle d’audience (dans mon cas, il était rendu 16h30) pour en informer les candidats. Si une autre cause est prête à aller devant jury, les candidats doivent se représenter le lendemain afin de former un autre jury. Les procédures se déroulent plus rapidement, car il y a beaucoup moins de gens qui peuvent obtenir une exemption.
- Libération: s’il n’y a pas d’autre cause prête à aller devant jury, le juge vous libère et vous pouvez retourner à vos activités quotidiennes. Par contre, vous restez à la disposition de la cours jusqu’à la fin de la session des assises.
Quoi faire quand on attend?
La majeure partie de la journée d’un candidat-juré est passée à attendre. Il y a du wi-fi dans le Palais de Justice, mais plutôt que d’aller sur Reddit ou Facebook, je vous suggère d’utiliser ce temps pour jaser avec d’autres candidats-jurés. Des petits groupes de conversation se forment naturellement, et vous allez certainement rencontrer des gens qui ont des histoires intéressantes à raconter.
J’ai eu l’occasion de parler avec un employé de l’Hôpital Ste-Justine qui argumentait avec passion pour un Québec indépendant. J’ai rencontré une employée de cafétéria dont la fille voulait devenir sexologue; la famille l’agaçait en changeant le poste de la télévision à des chaînes de porno lorsque elle venait au salon. Une dame en était à sa troisième convocation, mais malgré son désir de siéger comme jurée, elle n’avait jamais été retenue.
Et les gens qui ont déjà servi comme jurés ont tous le même commentaire: malgré les désagréments que cela peut causer, c’est une expérience unique, intéressante, et enrichissante.